1.- LES RAISONS QUI ONT AMENÉ L’INSURRECTION DU 30 ET
31 OCTOBRE AU BURKINA FASO.
Historique des
assassinats au Burkina Faso
13 décembre 1998-13 décembre 2014, déjà seize
ans que Norbert Zongo et ses trois compagnons d’infortune avaient été
sauvagement assassinés et calcinés. Le peuple toujours sur ses gardes réclame
la vérité et la justice. Et nous espérons que cette vérité tant espérée verra
le jour. Mais notons que le cas de Norbert Zongo n’est qu’un maillon d’un long
chapelet dans la tradition des assassinats au Burkina. Il est donc opportun de
jeter un coup d’œil dans le rétroviseur.
Selon les sources, au Burkina Faso indépendant, la première
exécution remonte aux années 1969. Il s’agit du garde républicain Michel
Yaméogo qui avait assassiné son collègue Emile Ilboudo le vendredi 28 juillet
1967 afin de s’emparer des clefs pour voler de l’argent. C’est ainsi qu’il fut
condamné et exécuté à Ouagadougou.
La seconde exécution a concerné un groupe de coupeur de tête
composé de Millogo Sogo Jean, El Hadj Djane Batiékoro dit Béma et Coulibaly
Lotamou. Condamnés le 12 septembre 1978, ils furent exécutés le 15 Janvier
1979. Notons que ces exécutions étaient conformes aux lois de la République,
car la peine capitale n’est pas abolie au Burkina Faso.
La première exécution extrajudiciaire sera inaugurée par Nézien
Badembié, le n°2 du CMRPN en décembre 1982 qui reçut une raffale en pleine
poitrine. C’est le début de la tradition des assassinats au Burkina Faso. On
tue désormais à la moindre occasion, les règlements de compte se font par des
armes. Les révolutionnaires vont mieux s’illustrer dans cette pratique.
Dès la prise du pouvoir le 04 Août 1983 qui avait fait cinq morts
par l’aile gauche, les ténors de l’aile droite à savoir le colonel Yorian
Gabriel Somé et le commandant Fidèle Guébré sont passés par les armes dans la
même semaine après qu’ils aient été invités respectivement de Ouahigouya et de
Dédougou pour une discussion entre officiers.
Le 11 juin 1984 le colonel Didier Kiendrébégo maire de Ouagadougou
et six de ses camarades à savoir les lieutenants Moumouni Ouédraogo et Maurice
Ouédraogo, l’homme d’affaires Adama Ouédraogo l’ex-major de gendarmerie Barnabé
Kaboré, le sergent du RCS Moussa Kaboré et le pilote d’Air-Burkina, Issa
Anatole Tiendrébéogo accusés de complot ont été froidement abattus sous un
baobab et enterrés à la hâte au cimetière de Tanghin. Le 18 juillet de la même
année c’est le commandant Amadou Sawadogo qui est tiré comme un lapin vers
21heures au niveau du barrage n°3 sur la route de Ziniaré. Le 15 Octobre 1987,
la crise au sein du CNR se solde par l’assassinat de Thoma Sankara et de
ses douze apôtres (Le professeur d’université Sibiri Alain Zagré, le
journaliste Paulin Bamouni, les employés à la présidence Fréderic Liemdé et
Bonaventure Compaoré, les sergents chefs Emmanuel Bationo et Amadé Sawadogo
Adjudant Christophe Saba, Serge chef Emmanuel Bationo, le caporal Yeyé, le
soldat de 1ère classe Noufou Sawadogo le soldat de 1ère classe Der Somda, le
soldat de 1ère classe Wallilaye Sawadogo) accusés de “ déviationnistes“ par les
“ rectificateurs“. La chasse aux sorciers qui s’en suit emporte Seydou Bancé,
Sigué Vincent Askia, Michel Koama, Elysée Sanogo et les mutins de Koudougou
dont certains ont été grillés comme des poulets. Ce sont entre autres le
Lieutenant Daniel Kere, le lieutenant Bertoa Ky, le lieutenant Elysé Sanogo, le
lieutenant Jonas Pascal Sanou, tous tués et brulés le 27 Octobre1987. Leur
crime? Pour avoir s’opposé au coup d’Etat de Blaise.
le plus célèbre de ces mutins, Boukary Kaboré dit le Lion a eu la
vie sauve en se rejugeant au Ghana.
En 1988, le capitaine Guy Sayogo et son épouse ont reçu une
grenade dans leur chambre au camp Ouezzin Coulibaly à Bobo. Très vite les
coupables au nombre de sept sont désignés et expédiés au l’au-delà dans la nuit
du 31 décembre 1988.
Toujours en 1988, le
commerçant Seydou Bandé est froidement abattu après avoir creusé sa propre
tombe. C’est le comble du cynisme.
Au petit matin du 18
septembre 1989, c’était le tour des deux des chefs historiques de la révolution
à savoir Boukary Jean-Baptiste Lingani et Henri Zongo de quitter ce monde pour
raison de complot. On les a fait accompagner par Sabyamba Koundaba et Anessé
Gnégné pour les mêmes raisons.
Blaise Compaoré est dorénavant le seul rescapé des chefs
historiques de la révolution. La révolution a mangé ses propre fils, dira-t-on.
On s’attendait à un apaisement, mais le régime compaoré n’avait pas encore fini
de balayer autour de lui. De valeureux burkinabé de toutes couches sociales
vont subir le coup de balai du régime compaoré. On peut citer des journalistes
comme Lamien Watamou (19 juin 1989) des professeurs d’université comme
Guillaume Sessouma (1990), Oumarou Clément Ouédraogo considéré comme le n°2 du
Front Populaire (9 décembre 1991), des étudiants comme Boukary Dabo (mai 1990)
Michel Congo (21 octobre 2001), des policiers comme Madi Pascal Tapsoba, DG de
la police nationale (1994), des paysans comme Douin Yedan (18 juillet 1993),
Akou Agondwo, Adi Bagniou, Kossi Gounabou, Akandoba Kibora, Igoissan Kibora,
tous à Kaya (1995), des élèves comme Blaise Sidiani, Emile Zigani dans la cour
de leur école à Garango (9 mai 1995), des chauffeurs comme David Ouédraogo,
chauffeur de François Compaoré (décembre 1997).
Le 13 décembre 1998, c’est le coup de foudre, l’assassinat du
journaliste Norbert Zongo et de ses trois compagnons Ernest Zongo, Ablassé
Nikiema et Blaise Ilboudou. C’est l’indignation et la révolte à travers le
pays. Ces révoltes ont secoué et fragilisé le régime compaoré. Blaise Compaoré
fait semblant de regretter les tueries, il demande pardon au peuple et promet
le changement. Simple leurre. Les tueries vont se poursuivre. Le chat revenu de
la Mecque ne peut s’abstenir de dévorer les souris. La liste se prolongue. On
peut retenir en août 2000, la mort d’un soldat du régime de sécurité
présidentielle Mahamadi Ouédraogo et l’adjudant-chef de gendarmerie Abdoulaye
Demdé en juin 2000, tous concernés par l’affaire David Ouédraogo. Le 6 décembre
2000, c’est le petit écolier Flavien Nebié qui tombait sous les balles
meurtrières. Nul n’est épargné sous l’ancien régime. Même les hommes d’église
comme le père Célestino Di Giovambattist tombé suite à des coups de hache le 13
octobre 2001.
Le 22 février 2011 la mort suspecte de l’élève Justin Zongo plonge
à nouveau le pays dans des troubles. Comme d’habitude, le régime des stratégies
qui lui permettent de juguler la crise et maintenir son pouvoir entaché de sang
de nombreux innocents.
Les 30 et 31 octobre 2014, c’est encore vingt quatre martyrs qui
ont sacrifié leur vie pour que les Burkinabé se libèrent des griffes du régime
compaoré. Jésus Christ a perdu son sang sur la croix pour sauver l’humanité. Nos
Martyrs sont morts pour plus de justice, plus de liberté, plus d’équité au
Burkina Faso. Cette liste est loin d’être exhaustive. Dans la célèbre ouvre de
Ouattara Vincent, l’ère Compaoré, crime, politique et gestion du pouvoir on
dénombre une centaine de morts.
Blaise Compaoré croyait
pouvoir piétiner à jamais le peuple burkinabé. C’est un homme qui n’aime pas les défaites, ni reculer. En octobre
1987, il triomphe en s’emparant du pouvoir. En 1991, il triomphe contre les
tenants de la conférence souveraine. En décembre 1991, seul en lice, il est élu
sans gloire, mais peu importait pour lui. En 1998 après la mort de Norbert
Zongo, il s’en tête et garde son pouvoir. En 2011 après la mort de Justin
Zongo, il parvient à se maintenir toujours grâce à ses manœuvres politiques.
C’est cette erreur mathématique qui a poussé Blaise à croire qu’il est
invincible, qu’il pouvait encore une fois de plus forcer le passage. Mais
comme on le dit, tous les jours pour le dictateur, un jour pour le peuple. Le peuple a enfin tranché. Que nos morts
reposent en paix sous la terre libre et digne du Burkina Faso.
Nous espérons que les états généraux de la justice lui donneront
la force nécessaire pour élucider tous ces crimes de sang auxquels il faut
ajouter les crimes économiques.
Sources:
Ouattara Vincent, l’ère compaoré, crime politique et gestion du pouvoir, Klanba Editions, Paris XIVème, 2006.
L’observateur dimanche n°0029 du 07 au 13 juin 1996.Le nouvel Ouragan n°227 du vendredi 19 mars 1999.
L’indépendant n°370, 10 octobre 2000.
Ouattara Vincent, l’ère compaoré, crime politique et gestion du pouvoir, Klanba Editions, Paris XIVème, 2006.
L’observateur dimanche n°0029 du 07 au 13 juin 1996.Le nouvel Ouragan n°227 du vendredi 19 mars 1999.
L’indépendant n°370, 10 octobre 2000.
Auteur: KIEBRE Mahamoudou, Professeur
certifié d’histoire géographie
Fuente: LEFASO.NET
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